Extrait du Journal de Bord – ROXY –
Quelque part entre les Marquises et les Tuamotu…
«… 19 décembre 2020 ; 02h30. Une nuit au cœur de l’Océan a toujours quelque chose d’enivrant.
Suspendus entre les kilomètres d’eau sous nos pieds, et les kilomètres qui nous séparent des étoiles, ce désert d’eau isolé du monde des Hommes provoque continuellement un inlassable émerveillement.
Un œil sur les instruments de navigation me guide dans la nuit noire, un autre sur le gréement et les voiles ; je dois bien avouer que mes yeux commencent à témoigner de la légère fatigue accumulée ces dernières 48 heures. Mais il est là. Tout proche. Une légère baisse de température caresse mes joues, la barre durcit peu à peu sous mes doigts, pas de doute, on va se le prendre de plein fouet. ROXY s’exprime subitement avec vigueur et semble vouloir plonger dans toutes les vagues qui se présentent à l’étrave… Tout doux ma belle. On n’y est pas encore. Ce n’est que le prélude. Encore quelques minutes et je pourrai abattre. Ne t’en fais pas, je viens de diminuer le génois, le premier ris est pris. De toute façon, il n’a pas l’air plus gros que les précédents et je suis là pour te guider.
Les premières gouttes de pluie arrivent, les étoiles et la lune ont depuis longtemps disparus sous cet amas nuageux monstrueux. Ça y est, je la vois. La ligne de grain est là, à 100 mètres.
La bascule de vent ne tarde pas à suivre, et avec elle s’en suit une abattée de 30°C sous une légère gîte. C’est parti ! 14,5 kts, pas mal, beau surf… ! Encore encore ! Ne t’inquiète pas, on a de la marge, la barre reste légère, fais-moi confiance. Garde de la vitesse lors de la descente, moi je me fie à l’assiette ; je n’y vois plus rien. Les instruments au pied de mât ne sont plus lisibles, je ne distingue plus l’enrouleur, les trombes d’eau s’abattent brutalement sur nous. La mer se lisse, les crètes s’effacent… On est au cœur du grain. »
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