Depuis l’Afrique du Sud, trois stratégies s’offrent aux navigateurs pour la remontée de l’Atlantique vers le Vieux Continent. La route des Caraïbes, la route des Açores et la route du Cap Vert.
Toutes passent par l’île de St Hélène d’octobre à mai et se divisent ensuite vers le Brésil ou l’île de l’Ascension.
La route des Caraïbes est de loin la plus agréable, bénéficiant de vents portants pratiquement sur toute la totalité du parcours. Arrivé aux Antilles, on planifie un retour vers l’Europe début mai avec des conditions sympas vers les Bermudes puis détendues vers les Açores. Un parcours tranquille dans son ensemble, mais très long.
La route des Açores passe par l’île de Fernando de Noronha et met le cap plein Nord jusqu’à la rencontre de l’Anticyclone des Açores, qui permettra de rejoindre l’archipel dans des conditions acceptables. Cette trace coupe pratiquement l’Océan Atlantique Nord en son milieu et nécessite l’attente du mois d’avril afin d’éviter les risques de dépressions hivernales violentes venant du Nord et la mise en place de l’anticyclone.
La troisième alternative est la route vers le Cap Vert, celle que nous avons choisi. Contrairement aux deux autres, ce parcours peut s’effectuer plus tôt dans la saison. Février et mars restent la meilleure option pour espérer obtenir un peu d’Est entre Dakar et Tanger. Le risque de rencontrer des gros systèmes dépressionnaires est écarté mais le franchissement du pot au noir et l’affront des Alizés de Nord-Est ne laisse rien présager d’agréable. Cela dit, selon mes calculs, cette route n’économise pas moins de 5000 miles et 3 mois de voyage sur la route des Caraïbes et 2000 miles et 2 mois de voyage sur la route des Açores. (Incluant les miles de détour parcourus à contre vent.)
L’effort vaut donc largement le gain de distance et de temps.
Cela étant, sans surprises, depuis le 03° parallèle Nord nous sommes au près. Et selon mon opinion, pour ce parcours le bateau doit posséder deux qualités essentielles : être suffisamment léger pour se mouvoir dans le pot au noir et avoir une bonne aptitude à naviguer au près. J’entends déjà bon nombre de plaisanciers s’exclamer ;
« - Pas de problème, je navigue à 35° du vent. »
Mouais. Réfléchissez à deux fois… Ce n’est
évidemment pas la navigation contre le vent qui pose problème, mais bien contre la houle océanique et le courant. Le bateau doit garder un cap honorable tout en conservant une vitesse suffisante lorsqu’il percute la vague, sous peine de culer…
Amis des grands tirants d’eau : sortez de l’ombre !
Adeptes de la navigation « génois sans GV » : ceci n’est pas pour vous !
Soyons réaliste : seuls 10% du parc des « bateaux de voyage » réunissent ces deux aptitudes.
(Une autre option consiste à posséder une grosse unité avec 1000 litres de fuel en effectuant la majorité du parcours au moteur, ce dont je n’ai ni les moyens, ni l’envie de faire… !)
Je ne me glorifie pas d’avoir un bateau capable d’effectuer un tel parcours. Je suis assez d’accord pour dire qu’il faut être soit sadomaso, soit pressé, soit complètement con pour effectuer plus de 3000 miles au près ! … En l’occurrence, nous sommes probablement sadomasos d’être pressés de reprendre un travail à la con pour renflouer notre caisse de bord asséchée depuis bien trop longtemps !
Mais si vous me demandez :
« - Referais-tu le même parcours ?! »
Je répondrai :
« - Oui. Mais ça dépend avec quel bateau. »
« - Avec un X-Yachts ? »
« - …On part quand ?! »
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