02 janvier 2022 – 11ème jour de mer / 1756 miles parcourus.
Il était un peu plus de 18h lorsque nous avons enlacé nos amarres autour du petit corps mort situé devant Jamestown.
Les dernières heures nous avaient apporté un peu plus d’air à l’approche de l’île, ce qui nous avait permis d’arriver au soleil couchant… La lumière chaude illuminait les falaises escarpées, laissant entrevoir le village principal de l’île, enclavé dans l’unique vallée accessible depuis la mer. « St Helena Radio » nous souhaitait la bienvenue au moment où on extirpait des cales notre unique bouteille de rhum, pour fêter l’évènement… A 21h, le troisième voilier de la journée arrivait en provenance de Cape Town pour monter le total des voiliers de passage au nombre de 10. Génial de voir le tout nouveau modèle de « KNYSNA Catamarans » que nous avions pu visiter à KNYSNA 6 semaines plus tôt, et de voir arriver l’exemplaire du « Balance Catamarans » que nous avions pu voir encore en construction lors de notre visite du chantier à St Francis il y a 2 mois !
03 janvier 2022
10h : nous faisons la connaissance de Steve Kirk, le Maître de Port avec lequel nous avions conversé par mail depuis quelques semaines déjà. A couple de ROXY, et avant d’entamer toute discussion, il nous fait signer instantanément une déclaration mentionnant les points suivants :
« … toute brèche dans la quarantaine liée au Coronavirus entraînera immédiatement 6 mois de prison et une amende de 5000 livres. » « … si un membre d’équipage est contaminé au Covid-19 et qu’il débarque à terre : 12 mois de prison ferme. »
Nous sommes 5 équipages en quarantaine, amarrés aux bouées placées loin du port, à attendre notre TEST PCR prévu normalement tous les jeudis de la semaine. Mais chose assez rare, un avion atterri demain matin sur l’île et nécessite une batterie de TESTS pour les nouveaux arrivants. Les autorités en profiteraient donc pour venir également tester les navigateurs…
L’accueil des Saints.
Le Gouverneur a fini par accorder aux 11 membres d’équipage testés négatifs au Covid-19, le droit de fouler le sol des Saints ! La lettre ne manque pas d’allure et termine par la phrase:
« … Je voudrais saisir l’opportunité de vous remercier pour votre patience et votre compréhension en ces temps difficiles qui perturbent le monde. Sachez que vous avez joué un rôle essentiel dans l’effort que nous menons pour garder la population de l’île de St Hélène en sécurité… »
Au début, c’est presque déroutant. Le Maître de Port nous serre chaleureusement la main avant de nous présenter aux agents de l’Immigration rassemblés autour d’une grande table commune. On observe avec plaisir les visages expressifs, on sent l’haleine du Douanier expirer quelques instructions en envahissant votre espace vital… On a presque oublié ce que ça fait ! Mais c’est en franchissant les remparts du petit village fortifié que le choc paraît qu’autant plus grandiose. Aucun nuage de gel hydroalcoolique ne plane au-dessus des petits commerces, aucune affiche peinte en rouge aux instructions alarmantes n’ornent les murs, aucun moyen quelconque de se désinfecter les mains… Les gens s’enlacent, s’embrassent, s’échangent des poignées de main, le visage souriant.
Bref, la vie quoi.
Le lieu nous attire sans réellement savoir pourquoi. Peut-être est-ce les deux sympathiques retraités qui nous tiennent la bavette pendant quelques minutes sur la petite terrasse à front de rue… Allez savoir. Mais notre instinct nous pousse à pénétrer dans l’unique hôtel de Jamestown, construit il y a plus de 3 siècles. En franchissant l’épaisse porte en chêne, on vit instantanément un bond temporel surprenant. La grande salle est sombre, les murs couverts presque intégralement de vieux tableaux représentant Napoléon et la gloire de la Royal Navy d’antan. Les quelques luminaires rayonnent une lumière jaunâtre au-dessus d’un comptoir en marbre généreusement fourni de viennoiseries maison, disposées sur de remarquables assiettes en porcelaine. Le mobilier date certainement du 18ème : tables en acajou, chaises et assises travaillées dont chaque pièce diffère l’une de l’autre… Un musée à ciel ouvert. La dame derrière le comptoir doit avoir fêté ses 85 printemps il y a déjà 3 automnes, vêtue d’une longue robe aux dentelles raffinées…
Thé noir bien sûr. Servi dans une tasse dont on peut apercevoir aisément la teinte brunâtre que les feuilles de thé ont gravé lentement dans la porcelaine au fil des décennies.
Je trouve que le séjour commence bien. On en est seulement au petit déjeuner…
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