Bien avant d’arriver en Afrique du Sud nous avions déjà entendu parler à maintes reprises de Knysna. Splendide lagon, waterfront accueillant, départ rêvé pour la « Garden Route » et ses nombreux parcs naturels,…
Bref : un intérêt touristique énorme doublé d’une escale immanquable.
Seul bémol : les navigateurs redoutent l’entrée du lagon, étroite, peu profonde et fortement exposée à la houle… Comme toujours, certains lieux difficiles bénéficient d’une réputation qui les précèdent, et Knysna n’échappe pas à la règle. Les navigateurs ne manquent pas de colporter les récits dramatiques à l’international, au point que beaucoup de voyageurs passent leurs chemins et renoncent sans même avoir essayé.
On ne va pas se mentir, lorsqu’on étudie la possibilité de rentrer dans une passe qui jouit d’une telle réputation, on a toujours les miquettes. Cela dit, j’aime l’idée de me faire ma propre opinion. Parce que, de vous à moi, si on devait écouter tous les navigateurs qui explorent leur baignoire tous les deux jours, on resterait collé au ponton comme un moustique sur un pare-brise. C’est pourquoi je privilégie tant que possible une écoute approfondie des conseils de navigateurs locaux. Et même dans ce cas-là, c’est toujours amusant de voir les avis qui diffèrent du tout au tout !
Ne me voilà pas plus avancé en fin de compte. Comme quoi, mieux vaut venir voir par soi-même…
Ne me demandez pas comment, mais par un savant calcul de l’angle sinusoïdal du cosinus de l’axe de saturne, soustrait à la tangente au carré du taux d’hydrométrie multiplié par la valeur de la température de l’eau exposant sept, ROXY arrive pile à marée haute en face de la passe ! 100 miles parcourus depuis St Francis : timing parfait. Selon les prévisions, il y a 2,5m de houle. Je veux bien le croire : on voit les rouleaux se fracasser violemment sur les rochers et on distingue maintenant les deux feux d’alignement. Ça a l’air d’aller, me dis-je. Et presque pour m’encourager, je me dis que si on ne rentre pas maintenant, on ne rentre pas avant la semaine prochaine. C’est aujourd’hui qu’il y a le moins de houle. Tentons l’approche. Caro surveille la carte, je maintiens l’alignement et on s’engage. L’alignement nous fait passer contre la falaise, mon sphincter se contacte instantanément, et ça remue ! Comme on dirait dans le Cotentin : « elle bouillonne la marmite hein gamin !? »
On entend les vagues se fracasser dans un bruit assourdissant tout en longeant les rouleaux et ça fait froid dans le dos… Etrangement, une petite partie de la passe semble rester calme et nous nous efforçons de rester dedans !
Et en un rien de temps, sans vraiment rencontrer le moindre stress, on entre dans le lagon et l’eau devient aussi calme que la mare aux canards au fond du jardin de tata Bertha.
« Euh… On y est ?! »
« Ben… J’ crois. Si si je crois bien ! »
« Bon ben… Ca va… Non ?! »
« Ben ouais. L’alignement est parfait, immanquable. » (les feux sont allumés de jour comme de nuit)
« Je vais te dire : finalement la passe de Knysna, c’est une histoire de couilles, rien d’autre. Faut juste rester focus sur l’alignement. Pas se laisser impressionner. »
« …Faudrait quand même pas avoir plus de houle… Si ?! »
… Le sphincter ne se relâchera qu’une fois arrivés au Yacht Club… !
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