Tous les touristes que vous croiserez qui ont été à Puerto de Mogan vous diront :
« C’est un magnifique petit village de pêcheurs… »
Ouais. Je vais quand même vous donner mon ressenti.
Pour commencer, le mot « magnifique » est sans doute légèrement surestimé…
Je ne sais pas, j’aurais dit : « beau ». Voyez ? Je n’aurais pas donné 5 étoiles d’entrée de jeu. J’en aurais donné 2.
Parce que lorsqu’on sort des quelques ruelles fleuries, Puerto de Mogan est une station balnéaire comme les autres.
Qu’on se le dise, entre 10 et 22h, il est tout de même difficile de mettre un pied devant l’autre sans bousculer Raymond et Josette, venus faire des emplettes.
Le plus souvent, lors de votre venue à ce « petit village de pêcheur », vous apprécierez d'être stoppé net par Raymond, qui marche 50cm devant vous, lui-même ne pouvant se déplacer autrement qu’au rythme imposé. Un arrêt sur image, suivi de la main levée, pointant l’index vers un objet de goût médiocre, le regard pointé à l’opposé, hurlant à Josette :
« Hé !! Regarde ici. T’as vu le beau chapeau ?!? »
A moitié sourd au départ de la deuxième syllabe , vous ne pouvez éviter l’obstacle et votre nez atterrit dans l’épaule de Raymond, où vous baignez subitement dans une odeur de transpiration violente.
L’appareil Nikon Flash 3000 Plus, modèle Pro avec obturateur XW28753G+ autour du cou, Raymond est passionné de photographie. C’est venu tardivement, juste au début de la retraite, et il ne se lasse pas de photographier à tour de bras ; les magasins de souvenirs, les voitures de location, les restaurants et « le magnifique petit village de pêcheurs » sous tous les angles. Malgré les 30°C à l’ombre, Ray (pour les intimes) arpente les ruelles chaussettes au mollet, sous d’épaisses sandales de cuir. La chemise à courtes manches s’est depuis longtemps liquéfiée de sueur, le front ruisselant sous une épaisse couche de crème solaire, laissant entrevoir la carte de l’hôtel ; « Le Palmier - Ressort Spa – Authentique » à 2000 chambres.
Envahit par cette odeur violente, vous faites un pas en arrière, et vous contournez l’obstacle sans même attendre un « oups, pardon monsieur » de la part de Raymond.
S’en suit la réponse de Josette que vous subissez de plein fouet dans vos tympans :
« Nan ! les chapeaux sont moins chers là-bas ! Allez viens Raymond ! Grouille, le car va bientôt partir ! ».
Voilà. Toute la ruelle est soudainement au courant du prix des chapeaux, une rapide étude de marché permettait à Josette d’affirmer que le chapeau de paille « made in China » qu’elle tenait dans ses mains était bien le trésor qu’elle était venue chercher. Un concentré d’authenticité produit à quelques centaines de milliers d’exemplaires, venus tout droit d’Asie, débarqués deux semaines plus tôt des containers du port de Las Palmas.
Une fois par semaine, vous pourrez également avoir le plaisir de déambuler dans un petit marché à ciel ouvert, où la vente de covers pour téléphone et de bibelots surplantent largement les quelques artisans locaux.
Maintenant attention, qu’entendons-nous exactement par «…village de pêcheurs » au juste?
Parce qu’il est vrai qu’à Puerto de Mogan, c’est souvent l’occasion pour Raymond et Josette de venir déguster un poisson « à la canarienne ». La première chose qui surprend pour un village de pêcheurs, c’est qu’on ne voit pas de bateaux de pêche ! Il faut contourner le bassin pour finalement apercevoir trois frêles esquifs, aux couleurs ternies par le soleil, les moteurs ruisselants d’hydrocarbures… Qu’on se le dise de suite, 90% des restaurants du coin vous proposent du poisson… congelé. Car si la fraîcheur a depuis longtemps disparu des étales, les cartes proposent des espèces qui ne vivent tout simplement pas dans les eaux canariennes ! Et pour avoir tenté à plusieurs reprises « la pêche du jour », le terme « décongelé du jour » serait plus approprié.
La vraie réussite est sans conteste le travail remarquable de communication des tours opérateurs, qui semblent unanimement vouer un culte à ce lieu qui fut effectivement, il y a plus 40 ans, un village regroupant beaucoup de pêcheurs.
Situé sur la côte sous le vent, c’était probablement un choix géographique intéressant pour les marins, protégés du vent et de la houle.
Une chose est sûre, l’époque n’est plus la même.
Bref, Puerto de Mogan est maintenant une Marina pour les voiliers de croisière. Et une base de départ pour moultes expéditions marines, toutes organisées dans un goût des plus raffinés.
Expédition dans un sous-marin jaune vif, à la découverte de … vingt milles pneus sous les mers ! Faire vroum vroum en jet-ski, en suivant un moniteur le plus souvent fier d’être en tête de file. Prendre de la hauteur avec un parachute tracté par une vedette rapide ou encore (le must) s’entasser à 22 sur un catamaran avec musique à fond, pour sortir du port et se mettre à l’ancre juste devant la plage, noire de monde.
Musique de mauvais goût, cocktail de qualité médiocre, votre espace vital se restreint encore davantage qu’au centre-ville.
Il n’y a plus à hésiter : on ne vit qu’une fois, faites-vous plaisir !
Plus sérieusement, Puerto de Mogan a été le port de départ pour une de nos traversées de l’Atlantique. Et il est tout de même correct de dire que passer deux ou trois jours dans la Marina est agréable. Un des rares endroits où on est mieux dans la Marina qu’au mouillage ! Pris pour bouée par les jet-skis à longueur de journée, une fois la nuit venue, le repos est compliqué par la houle qui peut rendre ce mouillage très inconfortable. (ROXY se trouve sur les photos)
Puerto de Mogan s’apprécie plus volontiers très tôt en journée, où il fait bon déambuler à son rythme dans les ruelles en fleurs, dans un calme tout relatif. A l’aube, les camions viennent approvisionner les restaurants, les boutiques souvenirs, afin d’être prêts à recevoir l’afflux monstrueux de vacanciers quotidiens.
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