Bora-Bora. Ces deux mots sonnent comme un rêve. Probablement à l’origine de nombreux fantasmes pour le commun des mortels; synonyme de bout du monde, symbole d’évasion ou encore emblème romantique pour lune de miel luxueuse, il est vrai que la beauté du lagon ne laisse personne indifférent.
Notre première entrée dans la passe se fit sous la pluie. Un comble non ?!
Les deux petites marques latérales nous guidaient sous un grain sombre, comme si le jour s’était subitement éteint en ce début d’après-midi. Cela dit, même sous la pluie, Bora-Bora surprend.
Parce qu’ici la teinte grisâtre des nuages forme une couleur absolument unique. La couleur du lagon est tellement fabuleuse, limpide, voire transparente à certains endroits, que le reflet parvient même à illuminer la base de la masse nuageuse, et à l’envelopper d’une teinte turquoise unique. Nous avions déjà été émerveillés par ce phénomène en observant les contours de Raivavae, dans les Australes, mais à Bora cette impression est décuplée…
La première chose qui frappe lorsqu’on pénètre dans le lagon, c’est que l’île paraît peu habitée. Très peu de constructions sont visibles depuis la mer. Une surprise plutôt positive quand on sait que l’île est le centre touristique le plus développé de Polynésie ! Quelques centaines de mètres plus au Nord de la passe, on aperçoit facilement les corps-morts devant le Bora-Bora Yacht Club, et on peut enfin profiter de l’escale en prenant un verre au bar du club. Que de chemin parcouru depuis notre Yacht Club à Nieuwpoort sur la côte belge… Près de 13.000 Nm plus à l’Ouest, la terrasse en bois et les quelques tables sous les paillottes en feuilles de cocotiers figent cet instant comme un véritable cliché paradisiaque ! Que faut-il de plus ?!
Depuis le 1er janvier 2020, tout navire a l’interdiction formelle d’ancrer sur l’ensemble du lagon. Plusieurs corps-morts ont été installés et sont maintenant gérés par une seule société (Bora-Bora Mooring Services), dans le but de préserver les fonds marins et surtout éviter les erreurs du passé.
A savoir : l’arrachage des câbles électriques qui relient l’île principale aux différents hôtels le long du lagon, par les ancres des bateaux ! Malgré le prix des bouées (25€ la nuit), on comprend parfaitement cette volonté de réglementer l’ancrage, afin de protéger les fonds marins et favoriser le retour de la faune extraordinaire qui vit dans le lagon.
Car même si l’île en soi n’a rien d’exceptionnel par rapport à ses voisines du même archipel, le lagon lui, vaut assurément le détour !
Bora-Bora. Deux mots véhiculés dans le monde entier depuis plus de 50 ans, grâce notamment à la plus vieille piste d’atterrissage de Polynésie, construite en 1942 par les Américains lors de la seconde guerre mondiale. Bora-Bora devient un poste avancé pour les troupes US après leur entrée en guerre contre le Japon au lendemain des attaques dramatiques de Pearl Harbour. On peut encore observer aujourd’hui les vestiges de cette période car plusieurs canons sont encore à poste aux points stratégiques de l’île.
Après la guerre, l’île est colonisée par les groupes hôteliers américains grâce entre autres, au seul aéroport disponible (l’aéroport de Tahiti ne verra le jour qu’en 1961) et la possibilité d’attirer de la clientèle internationale. Les décennies de tourisme feront le reste, le nom exporté partout sur la planète, résonnant comme « paradis terrestre » dans tous les esprits. Amarrés juste en face du Bloody Mary, le plus célèbre des bars de l’île où viennent les Bill Gates et consorts, nous avions subitement osé la réflexion :
« Evidemment, c’est bien. Mais… peut-être légèrement surfait tout de même… non ? »
Contre toute attente l’île reste « couleur locale ». Les aménagements sont pauvres et surprennent car on pourrait s’attendre à voir le luxe partout, mais il n’en est rien. Pas de trottoir, routes peu entretenues, commerces locaux aux enseignes miséreuses, … Si on fait abstraction quelques minutes du lieu dans lequel on se trouve, on pourrait penser que la misère est partout sur l’île.
Lors de nos randonnées en montagne, il n’est pas rare de voir les gens vivre dans un abri fait de palettes de bois et de tôles ondulées, ou encore dans un vieux container désaffecté où on a tenté avec peine de faire une entrée de lumière… Les terrains souvent jonchés de détritus (car il est difficile d’en faire quelque chose !), on ne peut s’empêcher de s’étonner de la pauvreté qui règne au cœur de l’endroit le plus luxueux du Pacifique Sud. C’est d’ailleurs à Bora-Bora que l’on enregistre le plus haut taux de criminalité de toute la Polynésie Française. Pas étonnant.
Comme partout en Polynésie, il y a généralement peu de plages sur le contour des îles. Bora-Bora n’échappe pas à cette configuration naturelle, c’est pourquoi la très grosse majorité des plages que les hôtels luxueux affichent fièrement sont… artificielles. On peut d’ailleurs voir un dépôt de sable sur la partie Nord-Ouest de l’île que les camions acheminent vers les établissements lorsqu’ils en ont besoin. Le concept très américano-européen « d’aller à la plage », reste quelque chose de « nouveau » pour les polynésiens. Comme en témoignent certains habitants lors des échanges :
« Il y a 20 ans, aucun polynésien n’allait à la plage ! La mer, c’est une source de nourriture ou de travail, pas de plaisir ! Ce sont les Français et les Américains qui ont influencé les polynésiens à profiter des plages… »
Surfait donc ? Non, tout de même, restons objectifs !
La beauté et l’authenticité restent intacts, le lagon est exceptionnel et le dépaysement garanti.
Espérons que cette perle des Mers du Sud accueille encore longtemps les voyageurs et les touristes en quête d’évasion…
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