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Avis de tempête sur TABARKA

Photo du rédacteur: Jérôme DelireJérôme Delire

- Bon. Ça ne va pas aller. Je le sens pas.

- Quoi ? Qu’est qu’il y a ?!

- Les prévisions se dégradent trop vite. Ce n’est pas normal. Le système dépressionnaire a plus de 36 heures d’avance sur ce modèle.




On va tenter de se rapprocher des eaux territoriales algériennes pour essayer de capter du réseau. De là, on essaiera d’envoyer un message à quelqu’un pour avoir des bonnes prévisions météo.

- Ok bonne idée. Tu penses à qui ?

- Pascal ou Michaël pourrait peut-être nous aider…


Partis du Maroc 7 jours plus tôt, les prévisions chargées à ce moment-là nous permettaient de rejoindre la Sicile, où nous aurions pu capter du réseau. Et arrivés au cap Passero, au Sud-Est, nous aurions pu trouver refuge à Marzamemi.

Mais nous sommes encore trop loin de la Sicile. Beaucoup trop loin. Le plan B était Cagliari, au Sud de la Sardaigne. Mais nous n’y arriverons pas.


- T’as vérifié notre position ?

- Oui c’est bon. On est encore à 2 miles des eaux Algériennes.

- Fais gaffe. On risque l’accrochage au radar algérien !

- T’inquiète. Ils savent déjà qu’on est là. Regarde par tribord. Ils nous ont pointé depuis un moment ces cons-là.

- Merde !

- T’inquiète, ce sont les gardes côtes. Tant qu’on n’entre pas dans les eaux territoriales, on n’aura pas de problèmes.


Ouf. Une barre de réseau. Message envoyé, Pascal comprend aussitôt notre besoin urgent de données. Il faut dire que nous n’avions pas plaisanté dans l’intitulé… Pas certain à 100% de l’évolution de la dépression, il demande conseil à John, et tous deux reviennent unanimes une heure plus tard.


« Faut vous arrêter. Dépression violente arrive par le Nord-Ouest, 40 nœuds de vent prévu établi. Rafales possibles à plus de 50 nœuds. Abritez-vous dès que vous le pouvez, vous avez 24 heures au mieux. »


A cet instant, la Tunisie n’est pas loin. On la devine presque. Dans tous les cas, hors de question de s’arrêter en Algérie. Continuons encore 6 heures, avec un peu de chance on devrait même arriver à Tabarka avant la tombée de la nuit…


« Lâchons un ris, nous irons plus vite. »


17h. Nous sommes au mois de mars et la pénombre recouvre déjà notre environnement. La toque depuis longtemps sur le crâne, cela ne m’empêche pas d’entendre la radio grésiller. Un message en anglais très autoritaire, annonçant au navire à la position détaillée, l’obligation immédiate de décliner son identité. Mais la position en question, après vérification, c’est la nôtre ! Je regarde Caroline et lui fais signe de contrôler notre position par rapport aux eaux territoriales tunisiennes le temps que je décroche le cornet de la radio…

Et elle ne tarde pas à changer de visage, me faisant signe de la main que nous sommes bien entrés en Tunisie. Je réponds en français en sachant que je suis dans mon tort. Mais je tente de diffuser mon message le plus clairement possible :


- Contrôle Maritime de Tabarka, ici le voilier ALMAR, à la position détaillée, pardonnez-moi j’aurais dû prendre contact.


- Voilier ALMAR, veuillez décliner immédiatement l’identité de toutes les personnes à bord, votre route, votre provenance, votre destination, votre pavillon et vos intentions. Une voix ne transpirant aucune sympathie. Une voix ferme, autoritaire, presque militaire.


Mais je rétorque à mon tour :

- Contrôle Maritime de Tabarka de voilier ALMAR. Deux personnes à bord. Citoyens Belges, Union Européenne. Route au 120°, cap sur Tabarka, vitesse 6 kts. Partis de Saïdia – Maroc, il y a 7 jours. A destination de Sibenik – Croatie. Pavillon Pays-Bas, Union Européenne. Nos intentions sont d’entrer dans le port de Tabarka afin de nous réfugier du mauvais temps annoncé dans quelques heures. Je répète : je demande un abri. Nous voulons également visiter votre beau pays durant l’attente météo si cela est possible.


Quelques secondes passent. Probablement le temps pour eux de repasser la bande enregistrée de mon appel et d’accuser bonne réception. Puis, d’un ton tout à fait inattendu, comme si mon interlocuteur s’était tout bonnement transformé en Bisounours d’un coup de baquette magique, glissant d’une voix mielleuse, avec un accent arabe tout à fait adorable ;


- Mais… ?! Bienvenue en la Tunisie !! Bienvenue voilier ALMAR ! Pas de problème, continuez votre route, vous êtes accrochés sur notre radar. Nous allons vous guider !


- Contrôle Tabarka de voilier ALMAR, mille mercis pour votre accueil ! Pardonnez-moi, nous n’avons pas d’instructions récentes du port de Tabarka, pouvez-vous me confirmer qu’il n’y a pas de danger ? Pouvez-vous me confirmer la profondeur du port ?

- Pas de danger. Approche franche. Profondeur moyenne de 5 mètres à l’intérieur du bassin. Amarrez-vous au quai Est, on vous attend !


Le soulagement ! On n’est pas encore entré dans le pays mais ça s’annonce bien ! Caroline qui jusqu’ici, commençait à témoigner quelques traits tirés, fatigués de cette navigation difficile depuis le Maroc, expira un : « Aaaah ! Dormir ! Enfin ! » à demi-mot.

Délivrance ; dans quelques heures nous pourrons nous reposer confortablement…

La côte se dessine peu à peu, les lumières illuminent le petit village de pêcheur et chose dont je me souviendrai encore longtemps, une odeur puissante se dégage subitement de la ville à quelques miles de l’arrivée… Une odeur de transpiration, nauséabonde, couplée à une vague soudaine d’air chaud qui nous fit ôter aussitôt nos couches thermiques sous nos cirés.


Il est 21 heures et les dernières amarres sont frappées sur les bites en acier, coulées profondément dans le béton. Nous sommes au bout du quai. Personne à l’horizon. Pas encore. Puis une petite mobylette arrive lentement à 25km/h en pétaradant. Image fabuleuse :


un officier de l’immigration pesant approximativement une centaine de kilos, dans un bel uniforme bleu clair, les épaulettes dorées, quelques décorations à la poitrine arrive tout sourire vers nous, les chaussures impeccablement cirées, posées sur les petites pédales de l’engin. Le pied à peine posé à terre, le pli du pantalon bleu encore parfaitement repassé malgré l’heure tardive, il nous salue d’un :


- Bienvenue en la Tunisie ! C’est la première fois en la Tunisie ?!

- Oui ! Premier jour en Tunisie !

- Ah ! Bienvenue ! Par ici, s’il vous plaît !


Bien sûr, la navigation est terminée mais l’entrée ne fait que commencer…

Une heure et demi sera nécessaire pour faire le tour de tous les officiels, Ministère de l’Agriculture compris (c’est lui qui gère la Marina… Allez savoir pourquoi !)

En cirés, affalés chacun sur une chaise aux pieds rouillés, en attendant que le scan interminable des documents se poursuive, dans un fond sonore mêlant tampons et imprimantes en fonction…

C’est finalement un groupe de 4 militaires qui nous reconduit au bateau en pick-up et nous souhaite une bonne nuit…


Bienvenue en Tunisie !



Ne manquez pas la suite…

TABARKA : les vraies richesses sont toujours là.



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