J’aime l’atmosphère qui règne sur les pontons de Mindelo…
Les nombreux navigateurs qui relâchent au Cap Vert ont forcément déjà parcourus quelques miles depuis l’Europe et se préparent tous pour le grand saut dans l’Atlantique.
Contrairement à bien des endroits, peu d’entre eux s’agglutinent ici pour de longues années. On croise donc beaucoup de bateaux qui arrivent du Nord : les navigateurs aux yeux gorgés de sel, le pont recouvert d’une fine pellicule de sable, déposée jour après jour depuis les déserts Africains. Et ensuite on croise ceux qui partent. Les regards parfois anxieux et les mains un peu fébriles, la ligne de flottaison le plus souvent immergée, les cales débordant de vivres…
Entre ces deux moments forts règne une ambiance assez particulière puisque les hommes et les femmes qui se croisent sur ces quelques planches de bois ont tous des rêves pleins la tête… Et les vivent ! Observer les yeux qui pétillent lorsque les mots comme Océan, Caraïbes, Cuba ou Panama sont énoncés est en soi presque un cadeau. Nous semblons tous baigner dans cette bulle propre à nous, qui nous fait voyager avec l’esprit avant même de quitter la terre ferme. Encore mieux, ces mots semblent unir un instant toutes ces personnes qui ne se seraient probablement jamais rencontrés ailleurs… ! Qu’ils soient riches, pauvres, jeunes, vieux, avec des petits ou grands bateaux, qu’ils soient débutants ou confirmés, tous se partagent ce haut-lieu du « Grand Voyage » dans une certaine équité. Les barrières tombent, le partage d’expérience remplace les guides de voyage et chacun offre de son temps sans compter.
Théâtre préparatoire de la traversée de l’Océan Atlantique, les ponts des bateaux sont le plus souvent couverts d’outillage, chacun entreprenant diverses réparations ou ajustements. Petits ou grands voiliers n’échappent ni l’un ni l’autre à ce rituel obligatoire, le tout dans une ambiance assez bon-enfant : l’entraide technique marque très souvent le premier pas d’une amitié passagère pour les prochains mois de voyage… Fruits et légumes jonchent les pontons devant les bateaux en partance, les points Wifi sont pris d’assauts pour les communications et le plus amusant reste d’observer les changements d’équipage : fraîchement débarqué de l’avion, les gambettes blanches cadavériques sous un short flambant neuf, les visages rouges écarlates.
Cela étant, j’ai le sentiment que la situation Covid a précipité de plus en plus de novices à travers l’Océan. J’entends : de vrais novices, avec un strict minimum de notion voile. Et je dois avouer que cela m’effraie un peu… Je n’ai pas l’impression qu’il y en avait autant lorsque nous avions entrepris nos deux tours de l’Atlantique et nos traversées il y a quelques années et lors de notre départ de balade autour du globe…
Quoiqu’il en soit, je leur souhaite de réussir en restant prudents : traverser l’Océan à la voile reste, même aujourd’hui, une des plus belles expériences à réaliser au moins une fois dans sa vie…
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